Spiritualité / Espiritualitat....

Publié par X'tian


L’invisibilité de la foi

En ce matin d’avril, je suis attrapé face au Seigneur, par son corps légèrement penché, et, dans son regard, mes réflexions portent sur le cheminement du Via Crucis.
Souffrance et admiration face à Jésus-Christ, le monde devient une vitrine absente au silence de l’épreuve : ses pieds, la vision maternelle, son Esprit qui s’impose...
C’est ainsi que, entré dans la passion du Christ, j’ai pu sentir la solitude du renvoi du Seigneur.
Nous cheminons tous avec le souffle de notre baptême dans ce temps où les heures principales du jour sont pour nous-mêmes des moments où nous connaissons nos faiblesses.
Arrivé au soir du Jeudi Saint, je relis la Passion de Jésus-Christ pour retrouver ce passage du repas : la Cène. Les mots prennent sens autour des gestes : « ...Faites ceci en mémoire de moi. »
La Cène est le repas pour accéder à la nourriture : sa mémoire. Le repas pour revivre la parole à chaque messe. C’est pourquoi le Seigneur reste avec nous à l’Eucharistie, dans nos vies. Et pour nous, à Pâques, en faisant le chemin de croix, nos vies deviennent une porte de bois.
Dès les premières stations, on sent le vent qui souffle et la porte qui s’arrache de nos mains. C’est dans cet effort que nous luttons avec nos maladies, nos tracas... pour arriver, épuisés, devant la porte de bois, Jésus sur la croix.
Là, le silence de nouveau nous accueille, qui est aussi le souffle de l’Espérance, de Celui qui a donné Sa vie pour tous. Notre silence devant Jésus est chargé de toutes nos faiblesses, nos abandons.
C’est ainsi que faire le chemin de croix devient surtout réfléchir face à Dieu. C’est entrer dans la dimension de Jésus, au puits de la samaritaine. Nourriture pour nous consoler pour la Vie Éternelle.
Mais la nuit tombe et les vêpres deviennent l’écho de ce monde, c’est la nuit face à la révolte du chant du coq. C’est le temps de rejoindre la
 
voix du Seigneur : « Je t’écoute dans le désert. » Un désert qui est toute une plénitude devant le Seigneur.
L’être humain regarde la réalité du passé devant la Croix en s’imaginant les maladies, la vieillesse dans une chambre d’un petit village cerdan ou dans un hôpital transfrontalier. C’est là que la mémoire se fait présente à nouveau, un temps d’approche dans cette attente dans le regard sur Jésus, le temps que l’on passe avec lui.
Et dans cette rencontre, on devient tous des enfants devant Marie. Marie, la première à faire le chemin avec nous, comme une maman, nous tenant par la main, de la maison à l’école. Et dans son regard, on trouve celui de l’enfant que l’on est.
Ses yeux...
Ses yeux bleus, du ciel de Cerdagne, nous ramènent à la Paix, celle de son fils, Jésus-Christ.
La procession du Jeudi Saint, le soir, envahit le village et la ferveur devient passion pour venir contempler Jésus, porte du Salut. Un parcours sous les fenêtres, devant les portes des maisons, de ces intérieurs qui ont découvert Jésus sur la Croix. Et l’on peut voir celui qui court à travers les rues pour voir passer la procession, comme il y a 2000 ans, à Jérusalem, la Passion de notre Seigneur. Et il arrive aussi que l’on entende, parfois, celui qui réclame son argent dans un bistrot.
Ce sont les rues que nous traversons qui nous portent à chaque station. Ce sont des émotions qui demeurent dans l’inaccessible de Dieu, dans le désir de consoler Marie dans sa douleur.
On entre dans une autre dimension, celle du silence, de la brise du soir, qui nous font nous sentir un peu étrangers, dans ce jardin de notre monde. C’est la nuit et on avance doucement dans la foule, par les rues nues. La lumière des réverbères dessine les contours de nos silhouettes, nos sentiments, nos misères devant le Seigneur. C’est ainsi que l’heure de la nuit est comme un sommeil, on s’abandonne au fils de Dieu. Puis, nous franchissons la porte de l’église, poussés par un rendez-vous donné, par la beauté du pardon.
l’Histoire de Dieu en marche s’est construite dans la tendresse de Marie et l’amour de Dieu dans nos cœurs de baptisés.
Sans doute y-a-t-il en nous une part du mystère de l’univers qui nous échappe, qui provoque en nous la tentation d’abandonner, d’être indifférent, mais aussi cette envie d’être pardonné. Ce moment d’après la
Croix, marqué par l’absence, inaugure pour nous une réalité complexe, jamais entrevue : la Résurrection.
Les lumières, derrière les rideaux des fenêtres, éclairent les ombres des pécheurs, un chemin d’espérance pour eux:
Le monde coule devant Lui.
La dernière station s’achève, et je cherche la main de Marie. Les rues mélancoliques s’éteignent, les frontières s’enfuient et chacun rentre seul à la maison.
Mais l’Esprit du Seigneur, de celui qui nous a offert le Salut, est entré en nous. On repart dans l’espérance reçue de la rencontre, celle du Vendredi Saint, planté avec la graine du jour de notre baptême.
Notre existence, dans les moments faits de drames, nous ouvre les portes, dans cet espace où Dieu nous accompagne vers l’espérance.
La Révélation, au matin, a dû être un choc, poussée de cris et foisonnement de questions. Alors, les femmes s’enfuient et accourent pour raconter ce qu’elles ont vu, en regardant le ciel, perplexes face à l’évidence du vide.
Pourtant ... Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement, Jésus est ressuscité.
Le tombeau est vide.
Ainsi, aujourd’hui, voyant passer notre cortège, chacun, derrière sa fenêtre, pourra choisir de fixer son regard sur lui ou de le détourner, en rajustant les rideaux. Choisir ou pas d’accepter que la mort a une existence, un rôle à travers notre temps.
Nos vies humaines dans la foi nous préparent, à travers toutes les épreuves et les grâces invisibles reçues, bien souvent ignorées de nous, à entrer dans la Vie éternelle.
Un jour, alors, comme le centurion de l’Evangile, nous pouvons dire :
« Vraiment, celui-ci était le fils de Dieu. »
Son regard est décillé, et c’est cette conversion de son cœur qui fait de lui, à travers les âges, un témoin qui suscite un regard différent sur Jésus, une connaissance pourtant longtemps inaccessible pour lui.

Traduction et correction en langue française: Nathalie Albert

Auteur: Carles Llopis 2018

 

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